MODULE 2 Vibration
des molécules diatomiques
Préambule
La molécule diatomique, la plus
simple, peut effectuer plusieurs types de mouvements, dont
la rotation et la vibration. Le mouvement de rotation fait
l'objet du module 1. Le
présent module concerne exclusivement le mouvement de
vibration, dans lequel les atomes oscillent le long de la
liaison interatomique.
Comment peut-on observer ce mouvement
moléculaire? Est-ce que l'application de la
mécanique classique renseigne sur les lois qui
gouvernent ce mouvement? L'introduction de la
mécanique quantique est-elle nécessaire? Si
oui, quelles en sont les conséquences sur
l'interprétation des observations?
Faits expérimentaux
On observe que les molécules diatomiques absorbent
les radiations électromagnétiques dans
l'infrarouge, soit dans le domaine de longueurs d'ondes
comprises entre 1 et 100 μm
(figure 2.1), donc dans les régions du proche
infrarouge (1 à 5 μm), de l'infrarouge
moyen (5 à 20 μm) et de l'infrarouge
lointain. Cette absorption est reliée à la
vibration des molécules.
Figure 2.1. Spectre électromagnétique et
domaine d'observation de la vibration.
Si l'appareillage utilisé pour la
spectroscopie possède une faible dispersion, comme
celui que l'on emploie en analyse instrumentale, et si la
couche de molécules est mince, le spectre
d'absorption de vibration prend la forme d'une large bande
appelée bande fondamentale.
Figure 2.2. Spectre d'absorption d'une molécule
diatomique sous
basse résolution, montrant la bande fondamentale.
Par contre, si la dispersion de l'instrument utilisé
est suffisante, cette bande est résolue en raies.
Dans ce module, nous considérerons pour le moment que
le maximum d'absorption correspond à une
fréquence unique caractéristique. La structure
de raies de la bande d'absorption fait l'objet du module 3.
Le tableau 2.1 présente la position de
la bande fondamentale pour quelques molécules
diatomiques courantes.
Tableau 2.1. Bandes
fondamentales de quelques
molécules diatomiques.
Molécule
|
Bande fondamentale
λ (μm)
|
HCl
|
3,46
|
HF
|
2,52
|
HI
|
4,33
|
CO
|
4,66
|
On observe d'autres bandes plus faibles,
appelées harmoniques, à des fréquences
doubles, triples, etc., quand on effectue des observations
avec des couches plus épaisses. Ces observations
exigent des épaisseurs de plusieurs mètres
à pression atmosphérique, ou encore des
cellules à miroirs parallèles qui augmentent
la longueur du trajet optique.
En première approximation, on peut
représenter les fréquences
caractéristiques de ces bandes d'absorption par une
formule du type :
(2.1)
|
= bk,
k = nombre entier
|
|
En réalité les intervalles
entre les bandes successives ne sont pas égaux mais
décroissent lentement, de sorte que la formule
expérimentale correcte est :
(2.2)
|
= bk – ck2
|
|
Pour HCl par exemple on mesure :
b = 2 937,30 cm–1 et
c = 51,60 cm–1.
Le tableau 2.2 présente les
fréquences caractéristiques des bandes
observées pour HCl, avec les différences de
premier et de second ordre et les valeurs calculées
à l'aide de l'équation 2.2.
Tableau 2.2.
Énergie des bandes d'absorption de HCl.
k
|
Énergie observée
(cm–1)
|
Δ
(cm–1)
|
Δ2
(cm–1)
|
Énergie calculée
(cm–1)
|
0
|
(0)
|
|
|
|
|
|
2 885,9
|
|
|
1
|
2 885,9
|
|
– 103,7
|
2 885,70
|
|
|
2 782,1
|
|
|
2
|
5 668,9
|
|
– 103,2
|
5 668,20
|
|
|
2 678,9
|
|
|
3
|
8 346,9
|
|
– 102,8
|
8 347,50
|
|
|
2576,1
|
|
|
4
|
10 923,1
|
|
– 102,6
|
10 923,60
|
|
|
2 473,4
|
|
|
5
|
13 396,5
|
|
|
13 396,50
|
Par ailleurs, l'intensité de
l'absorption des bandes diminue avec la fréquence,
comme le montre la figure 2.3.
Figure 2.3. Répartition schématique des
intensités des bandes vibrationnelles.
Modèle mécanique de
l'oscillateur harmonique
Le modèle le plus simple pouvant
représenter la vibration d'une molécule est
l'oscillateur harmonique. Un tel oscillateur est
défini comme un point de masse m
rappelé vers une position d'équilibre par une
force, appelée force de rappel,
proportionnelle à la distance du point à sa
position d'équilibre (loi
de Hooke).
Plus précisément, si F
est la force et k la constante de
proportionnalité, appelée constante de
rappel, la loi fondamentale de la mécanique
(deuxième loi de Newton) permet d'écrire :
(2.3)
|
|
|
La solution de l'équation
différentielle du mouvement est bien
connue :
x =
x0 sin (2πvt + φ)
v est la fréquence
d'oscillation donnée par :
(2.4)
|
|
|
Un système moléculaire
diatomique peut se ramener à ce schéma
mécanique. Nous supposons que les deux atomes ne sont
plus liés de façon rigide, mais peuvent
osciller autour de leur position d'équilibre le long
de l'axe internucléaire. Nous supposons
également que la force de rappel est proportionnelle
à l'élongation ce qui n'est, nous le verrons
par la suite, qu'une première approximation.
Si re est la distance
internucléaire à l'équilibre (de
vibration) et r la distance réelle des deux
atomes au temps t on a, en appliquant la loi
fondamentale de la mécanique à chacun des
atomes :
(2.5a)
|
|
|
r1 et
r2 étant les positions, au
même temps t, des atomes 1 et 2 par rapport
au centre de masse de la molécule.
Or, d'après la définition du
centre de masse (voir module 1,
équation 1.1b), on peut écrire :
(2.5b)
|
|
|
Les équations 2.5a et 2.5b peuvent
être combinées pour former une seule
équation :
Cette équation peut également
s'écrire :
(2.6)
|
|
|
équation de forme analogue à la
relation 2.3.
On peut donc considérer la molécule comme un
oscillateur harmonique (c'est-à-dire un point
matériel oscillant avec une force de rappel
proportionnelle à l'élongation) dont la masse
est la masse
réduite de la molécule.
Si l'on compare les équations
2.3 et 2.6, on
voit que la fréquence angulaire d'oscillation ω
(en rad/s ou s–1) et la fréquence
v (en Hz ou s–1) sont données
ici par :
(2.7)
|
|
|
Les constantes de force sont très
variables d'une molécule à l'autre, comme le
montre le tableau 2.3 qui donne les valeurs (en N/m) de
cette constante pour quelques molécules
diatomiques.
Tableau 2.3.
Vibration moléculaire et constante de force.
Molécule
|
Bande d'absorption
(cm–1)
|
Constante de force
(N/m)
|
Remarque
|
CºO
|
2 143
|
1 840
|
Liaisons multiples fortes
|
N=O
|
1 876
|
1 530
|
H–F
|
2 905
|
970
|
Décroissance de la force de la liaison
avec la diminution de l'électronégativité
|
H–Cl
|
2 886
|
480
|
H–Br
|
2 559
|
410
|
H–I
|
2 230
|
320
|
Inspiré de
http://www.univ-tln.fr/~gfev/Spectro/09Spectro.html
|
Lors de l'oscillation de la molécule,
il y a continuellement transformation de l'énergie
potentielle en énergie cinétique. On peut
donc caractériser l'énergie du système
par son énergie potentielle V. Celle-ci est
liée à la force F par la relation
:
L'expression de l'énergie potentielle
est obtenue par l'intégration de cette relation, ce
qui donne, si l'on suppose que V = 0 quand
r = re :
C'est l'équation d'une parabole avec
un minimum nul pour
r = re. L'énergie
totale est égale à l'énergie
potentielle pour une vitesse nulle, c'est-à-dire
lorsque la masse atteint les positions d'élongation
minimum ou maximum (figure 2.4).
[ Une animation est disponible
]
Figure 2.4. Oscillateur harmonique classique :
transformation entre énergie potentielle et
énergie cinétique.
En théorie classique, toutes les
élongations sont possibles ainsi que toutes les
valeurs de l'énergie. L'absorption ou
l'émission de l'énergie par une
molécule en vibration devrait être un
phénomène continu. Voyons maintenant comment
la mécanique quantique a permis de modifier cette
conception.
Traitement quantique du modèle
mécanique
Selon la mécanique quantique, le
mouvement de la molécule est décrit par
l'équation
de Schrödinger qui, dans ce cas, s'écrit
:
E est l'énergie totale de la
molécule et ψ (r) est la
fonction d'onde, dont le carré du module donne la
distribution de probabilité de la distance
internucléaire r.
La solution de cette équation fournit
les valeurs possibles de l'énergie totale :
(2.8)
|
|
|
v est la fréquence de vibration
et υ est un nombre quantique de vibration
pouvant prendre les valeurs :
υ = 0, 1, 2
. . .
L'énergie de la molécule ne
peut posséder que certaines valeurs bien
définies; on parle alors de valeurs
discrètes. Sur le diagramme représentant
l'énergie potentielle (figure 2.5), les niveaux
d'énergie totale possibles sont
représentés par des lignes horizontales
équidistantes. L'intersection de ces lignes
horizontales avec la parabole représente les
élongations minimale et maximale de la liaison,
où l'énergie potentielle est égale
à l'énergie totale.
[ Une animation est disponible
]
Figure 2.5. Courbe de potentiel de l'oscillateur harmonique
quantique,
montrant les premiers niveaux d'énergie de
vibration.
Relation entre les fréquences
de vibration et d'absorption
La question que l'on peut se poser est la
suivante : existe-t-il une relation entre la
fréquence de la vibration de la molécule et la
fréquence de la transition observée dans le
spectre d'absorption?
D'une part, rappelons que la fréquence
de la vibration de la molécule, notée v
dans les équations précédentes, est la
même quel que soit le nombre quantique υ.
Elle est donnée par la relation 2.7.
D'autre part, la bande fondamentale en
absorption est associée à la transition entre
les niveaux υ = 0 et υ = 1;
sa fréquence, (notée pour l'instant
vbf) est reliée à la
différence d'énergie entre ces deux niveaux
par la relation de Planck-Einstein :
Etransition
= hvbf
où h est la
constante de Planck.
D'après la relation 2.8,
cette différence d'énergie est donnée
par :
Etransition
= Eυ =
1 – Eυ
=
0 = hv (3/2) – hv (1/2)
= hv
En comparant ces deux relations, on conclut
que la fréquence de la bande fondamentale
d'absorption vbf (en fait, de toute
transition où le nombre quantique de vibration change
d'une unité) est égale, selon un modèle
classique, à la fréquence de vibration
v de la molécule.
Spectre d'absorption de l'oscillateur
harmonique
Les variations d'énergie de la
molécule peuvent seulement se produire entre les
niveaux d'énergie totale possibles. La
nécessité de variation du moment dipolaire
pour qu'il y ait absorption ou émission de radiation
impose des contraintes sur les transitions permises. Ces
contraintes sont appelées règles de
sélection.
Ainsi, on peut montrer théoriquement
que les seules transitions permises pour l'oscillateur
harmonique doivent satisfaire la relation
suivante :
Δυ = ±1
Le signe ± indique que si la
molécule peut absorber de la lumière, le
chemin inverse est aussi possible : on observe alors le
phénomène de l'émission et la
règle de sélection devient Δυ = –1.
L'énergie
correspondant au passage de υ = 0
à υ = 1 peut être
facilement calculée. Nous avons :
où c est la vitesse
de la lumière.
Nous n'envisageons pas les transitions qui ne
partent pas du niveau υ = 0 car
à la température ordinaire (à laquelle
ont lieu en général les expériences
d'absorption) pratiquement toutes les molécules sont
dans l'état υ = 0 .
On représente le plus souvent la
quantité v/c par ωe.
Cette quantité, appelée constante
d'harmonicité, représente en fait la
fréquence de vibration propre de la molécule
exprimée en nombre
d'ondes, dont les unités sont des cm–1.
Ce résultat théorique explique l'existence de
la bande fondamentale caractéristique de chaque
molécule, mais pas la présence des autres
bandes que nous avons appelées harmoniques.
Perfectionnement du modèle
quantique de l'oscillateur anharmonique
Il est immédiatement évident
que l'oscillateur harmonique est un modèle trop
simple. Tout d'abord, toutes les fréquences
expérimentales ne sont pas
représentées. Ensuite, ce qui est plus grave,
la fonction potentielle est certainement fausse.
En effet, selon cette fonction,
l'énergie potentielle croît indéfiniment
à mesure que la distance internucléaire
augmente. Si l'énergie potentielle était
infinie pour des atomes très éloignés
les uns des autres, on devrait pouvoir
récupérer une énergie infinie lorsqu'on
les rapproche jusqu'à la distance
internucléaire. Inversement, il faudrait fournir une
énergie infinie pour séparer les deux atomes.
Or, on sait que cette dernière énergie est
finie. C'est l'énergie de dissociation de la
molécule.
L'énergie potentielle réelle
est donc représentée par une courbe qui n'est
pas une parabole. La branche droite doit tendre
asymptotiquement vers une valeur finie. Un pas dans cette
direction peut être accompli en ajoutant une
correction d'ordre cubique à la courbe de potentiel.
Celle-ci est alors représentée par la formule
suivante :
(2.9)
|
V = f (r
– re)2 – g
(r –
re)3
|
|
g étant un coefficient beaucoup
plus petit que f.
Au voisinage du minimum, cette nouvelle
courbe se superpose avec la parabole
précédente (voir animation de la
figure 2.6), ce qui explique le succès partiel
du premier modèle. Elle prévoit une valeur
d'énergie plus grande que celui-ci à gauche du
minimum, et plus petite à droite.
[ Une animation est disponible
]
Figure 2.6. Courbe de potentiel et niveaux d'énergie
de l'oscillateur anharmonique.
Cette courbe de potentiel est
caractéristique d'un oscillateur anharmonique.
Dans un tel oscillateur, la force de rappel n'est plus
proportionnelle à la distance, et les oscillations ne
sont plus symétriques par rapport à la
position d'équilibre.
La nouvelle valeur du potentiel portée
dans l'équation
de Schrödinger donne les niveaux d'énergie
corrigés. Ces niveaux sont donnés par un
développement en série de la forme :
Eυ
= hv(υ + 1/2) –
hvxe(υ +
1/2)2 + hvye(υ
+ 1/2)3 + ...
xe est une constante
petite : les termes suivants, en puissance croissante
de (υ + 1/2) où
s'introduisent des constantes analogues
ye, ze, ... de plus en
plus petites deviennent rapidement négligeables. En
pratique, les deux premiers termes suffisent à
représenter les résultats expérimentaux
avec une précision acceptable.
L'expression qui donne la valeur en cm–1
des niveaux d'énergie est appelée terme
spectral, noté G(υ) :
(2.10)
|
|
|
Le diagramme de niveaux d'énergie de
l'oscillateur anharmonique est donc composé d'une
série de lignes qui ne sont pas tout à fait
équidistantes. L'intervalle entre les lignes
décroît progressivement d'une petite
quantité chaque fois que l'on passe d'un niveau
à un niveau supérieur.
La quantité ωexe
est appelée constante d'anharmonicité,
et le terme qui la contient est nommé correction
d'anharmonicité.
Le tableau 2.4 donne des valeurs des
constantes de force et d'anharmonicité pour quelques
molécules. Les valeurs données pour les
molécules homonucléaires ne sont pas
déterminées par absorption infrarouge mais par
les spectres électroniques (voir module 5).
Tableau 2.4
Constantes de vibration pour quelques molécules.
Molécules
|
ωe
(cm–1)
|
ωexe
(cm–1)
|
H2
|
4 401,21
|
121,34
|
H–D
|
3 813,1
|
91,65
|
D2
|
3 115,50
|
61,82
|
H35Cl
|
2 990,95
|
52,82
|
H81Br
|
2 648,97
|
45,22
|
H127I
|
2 309,01
|
39,64
|
CO
|
2169,81
|
13,29
|
S2
|
725,65
|
2,84
|
35Cl2
|
559,7
|
2,67
|
127I2
|
214,5
|
0,61
|
Tiré
de http://webbook.nist.gov/chemistry/name-ser.html
|
Énergie du niveau
zéro
Le niveau énergétique
vibrationnel le plus bas que la molécule peut
atteindre est celui qui correspond à υ = 0.
D'après l'équation 2.10,
l'énergie E0 correspondante,
soit :
(2.11)
|
|
|
n'est pas nulle. Autrement dit, il est
impossible que la molécule s'arrête
complètement de vibrer. Même dans l'état
énergétique le plus bas, la molécule
possédera toujours un peu d'énergie de
vibration. Ce niveau d'énergie minimum est
appelé point d'énergie zéro.
Expression mathématique de la
courbe de potentiel complète
Lorsqu'on s'écarte trop du minimum,
c'est-à-dire pour des nombres quantiques
élevés, la correction cubique n'est plus
satisfaisante; pour de grandes valeurs de la distance
internucléaire, cette courbe de potentiel atteint non
pas une asymptote, mais un maximum suivi d'une
décroissance.
Plusieurs formules théoriques ont
été proposées pour représenter
de manière plus adéquate la courbe de
potentiel. La plus utilisée est la formule de
Morse :
(2.12)
|
|
|
avec :
|
|
|
La courbe est
représentée à la figure 2.7.
De est l'énergie de dissociation
spectroscopique, soit l'intervalle compris entre le
minimum et la valeur asymptotique de l'énergie aux
grandes distances internucléaires.
À cause de l'énergie non nulle du niveau
fondamental υ = 0, cette
énergie est plus grande que l'énergie
nécessaire pour briser une molécule,
appelée énergie de dissociation
chimique (ou énergie de liaison),
notée D0.
Figure 2.7. Courbe de potentiel de Morse, montrant les
énergies de
dissociation chimique (D0)
et spectroscopique (De).
La figure 2.8 compare, sur un même
graphique, la courbe parabolique de base de l'oscillateur
harmonique, la courbe anharmonique, qui inclut la correction
cubique, et la courbe de Morse.
Figure 2.8. Courbes de
potentiel.
Signification physique de la
théorie quantique
Matérialisons la courbe
d'énergie potentielle par un tube de même forme
dans lequel circule sans frottement une bille d'acier. Cette
bille assimilée à un point matériel
possède, du fait du champ gravitationnel, une
énergie potentielle qui varie de la même
manière que celle de la molécule. Son
mouvement (tout au moins du point de vue
énergétique) représente le mouvement de
la molécule. La condition quantique implique que la
bille part de hauteurs bien déterminées
au-dessus du minimum d'énergie potentielle.
Si on lâche la bille à partir
d'un certain niveau énergétique, elle passera
par le minimum de la courbe pour remonter au même
niveau (puisqu'il n'y a pas de frottement), puis
exécutera des oscillations en reproduisant le
même mouvement. La molécule fera de même
si on écarte les deux atomes : elle repassera par un
état où la distance internucléaire est
re pour aller jusqu'à un
état où la distance internucléaire est
plus faible. Cet état correspondra à la
même énergie potentielle qu'au départ.
Ensuite, elle oscillera entre ces deux positions
extrêmes. On voit, par analogie avec le mouvement de
la bille, que les oscillations ne sont pas
symétriques. La molécule passe plus de temps
à décrire la demi-oscillation correspondant
à une élongation que la demi-oscillation
correspondant à une contraction.
Mentionnons également que la
description quantique du mouvement de l'oscillateur
harmonique remet en question non seulement le
caractère continu des valeurs d'énergie
possibles, mais aussi la nature même de ce
mouvement.
Ainsi, la mécanique quantique
prévoit, du moins pour de petits nombres quantiques,
que les positions extrêmes sont moins probables que
les positions situées près de
l'équilibre, alors que le modèle classique
prévoit exactement le contraire. En effet, selon le
modèle classique, l'oscillateur se déplace
plus lentement quand il se trouve loin de la position
d'équilibre; il passe donc une plus grande partie de
son temps dans ces régions. En conséquence,
à un instant quelconque, il y a plus de chances de le
trouver loin de la position d'équilibre que
près de celle-ci.
Toutefois, en dépit de ses
limitations, le modèle classique (ou semi-quantique,
quand on lui associe la quantification des énergies
possibles) demeure utile pour se représenter et
comprendre bon nombre des caractéristiques du
mouvement des molécules.
Spectres d'absorption de l'oscillateur
anharmonique
Les règles de sélection sont un
peu modifiées par rapport au modèle simple
précédent. On trouve que si la transition Δυ= ± 1
se produit toujours avec une grande probabilité, les
transitions Δυ = ±2,
±3, etc. peuvent également se produire, mais
avec une probabilité beaucoup plus faible.
Les fréquences des raies correspondant
à ces transitions peuvent être facilement
trouvées :
1
= G(υ = 1) –
G(υ = 0) = ωe
– 2 ωexe
2
= G(υ = 2) –
G(υ = 0) = 2
ωe – 6 ωexe
De façon générale, on
a :
(2.13)
|
υ
= G(υ) –
G(υ = 0)
= υ (ωe
– ωexe) – υ2
ωexe
|
|
Si l'on pose
b = ωe –
ωexe et c = ωexe,
on peut récrire l'équation 2.13 de la
façon suivante :
υ = bυ –
cυ2
Cette dernière formule est tout
à fait analogue à la formule empirique
2.2.
Par ailleurs, la faible probabilité
des transitions Δυ = 2,
3 ... (figure 2.9) peut être reliée
à la décroissance rapide de l'intensité
des diverses harmoniques du spectre d'absorption (figure
2.3). Cette question est abordée plus en
détails au module 5.
Figure 2.9. Courbe anharmonique et transitions
vibrationnelles.
Note : La largeur des flèches traduit
grossièrement la probabilité des
transitions.
Constantes moléculaires
déterminées à partir des constantes de
vibration
Les constantes théoriques
d'harmonicité ωe et
d'anharmonicité ωexe
peuvent être déterminées
expérimentalement en comparant
l'équation 2.10 et l'équation 2.2.
La constante ωe est liée
à la fréquence vraie de vibration de la
molécule, donc à la constante de force
réelle k du mouvement (équation
2.7).
Par contre, la constante ωexe
n'est liée directement à aucune grandeur
fondamentale de la molécule, mais elle est
d'extrême importance pour fixer les positions
relatives des niveaux. La connaissance précise de ces
positions permet, par extrapolation, de déterminer
l'énergie de dissociation.
Les spectres de vibration sont difficiles
à observer expérimentalement pour des nombres
quantiques υ élevés.
Aussi, un petit nombre de niveaux (en général
2 ou 3) peut être déterminé, ce qui est
très insuffisant pour obtenir une valeur
précise de ωe et ωexe.
On observe un nombre de niveaux beaucoup plus grand dans les
spectres électroniques, qui font l'objet du module 5,
et on obtient de ce fait des valeurs acceptables des
constantes.
Voici cependant dès maintenant une
méthode approximative, appelée
méthode de Birge-Spooner, qui permet de
calculer l'énergie de dissociation à partir
des valeurs de ωe et ωexe
déterminées expérimentalement.
Le terme spectral G (υ)
représente l'énergie des niveaux
mesurée en cm–1. Nous admettrons que
les niveaux se rapprochent de plus en plus et que, à
la limite, la différence entre deux niveaux tend vers
zéro lorsque ceux-ci atteignent la valeur de
l'énergie de dissociation De.
Il en résulte qu'à la limite,
c'est-à-dire au voisinage de l'énergie de
dissociation, on a :
ΔG = G(υ
+ 1) – G(υ) = 0
Calculons d'abord, à l'aide de
l'équation 2.10,
l'expression de ΔG en fonction de
v :
G(υ +
1) = ωe (υ
+ 3/2) – ωexe
(υ + 3/2)2
G(υ) = ωe (υ
+ 1/2) – ωexe
(υ + 1/2)2
ΔG = G(υ
+ 1) – G(υ) = ωe
– 2 ωexeυ –
2 ωexe
En admettant que
xe « 1, ce qui
entraîne ωe >>
ωexe, il vient
que :
ΔG ≅ ωe
– 2 ωexeυ
et donc que ΔG =
0 lorsque :
Cette expression pour la valeur maximum de
υ permet de calculer De. En
effet, en la substituant à υ dans
l'équation 2.10,
on obtient, après quelques manipulations
algébriques :
ce qui peut s'écrire comme
suit :
Mais comme ωexe
est négligeable devant ωe, on
peut négliger le second terme entre crochets, de
sorte qu'on obtient l'expression simple suivante,
appelée formule de Birge-Spooner :
(2.14)
|
|
|
Les valeurs obtenues par la formule de
Birge-Spooner sont relativement proches des valeurs
tirées de l'expérimentation. En fait elles
sont souvent légèrement supérieures
(~ 20 %) aux valeurs expérimentales.
La figure 2.10 montre, pour quelques
molécules, la corrélation entre les valeurs
expérimentales et les valeurs ainsi calculées.
Sur cette figure, la droite pointillée correspond
à l'identité entre les valeurs
calculées par la méthode de Birge-Spooner et
celles mesurées à l'aide de la thermochimie.
Si le point représentatif de HF se place sur cette
droite, toutes les autres valeurs calculées sont en
dessous de cette droite pointillée.
Figure 2.10. Comparaison entre les valeurs des
énergies de dissociations mesurées et
calculées.
Rappelons enfin l'intérêt de la
méthode qui indique la valeur du nombre quantique de
vibration au voisinage de l'asymptote (limite de
dissociation).
Conclusions
La mécanique classique est
insuffisante pour l'interprétation des observations
spectroscopiques du mouvement de vibration des
molécules diatomiques. Par contre, elle permet de
mieux comprendre l'application de la mécanique
quantique.
D'après la mécanique quantique,
les molécules diatomiques ne peuvent vibrer que selon
des niveaux d'énergie quantifiés
associés à des nombres quantiques de
vibration. De plus, des règles de sélection
précisent les transitions acceptables entre ces
niveaux.
Par ailleurs, l'interprétation du
spectre observé dans le proche infrarouge permet
d'obtenir la fréquence de vibration de la
molécule, la constante de force de la liaison, de
même qu'une très bonne approximation de
l'énergie de rupture de cette liaison (ou de
dissociation de la molécule). Fait à noter,
même à la température du zéro
absolu, soit 0 K, la molécule vibre
toujours.
Pour en savoir plus
Liens utiles
Une base de données, appelée
WebBook, contenant, entre autres, les valeurs des constantes
moléculaires (incluant les constantes de rotation
B et D) des molécules diatomiques, est
disponible sur le site du National Institute of
Standards and Technology (NIST). On peut y faire une
recherche par nom de molécule, ou encore à
partir d'une liste de 400 molécules diatomiques,
tirée des travaux de Huber et Herzberg.
http://webbook.nist.gov/cgi/cbook.cgi?Source=1979HUB/HER716B&Units=SI&Mask=800
Valeur des constantes de rotation : http://webbook.nist.gov/chemistry/name-ser
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