MODULE 5 Sauts
électroniques dans les molécules diatomiques
Préambule
La molécule diatomique absorbe de
lénergie sous la forme de mouvements de
rotation et de vibration. Elle peut aussi en absorber sous
la forme de transition électronique. Cette absorption
dénergie est observable dans la région
de lultraviolet. Quelles en sont les lois? Est-ce que
les transitions de rotation et de vibration sont en
même temps excitées? Est-ce que les lois qui
régissent ces transitions sont conservées?
Faits expérimentaux
On observe, dans la partie visible et
ultraviolette du rayonnement électromagnétique
(figure 5.1), des spectres d'émission et
d'absorption. Ces spectres se présentent sous forme
de bandes, sous faible dispersion. Ces bandes peuvent
être résolues en raies sous dispersion
élevée. Ces spectres sont en
général très compliqués et nous
n'entrerons pas dans le détail de leur structure.
Figure 5.1. Spectre électromagnétique et
domaine d'observation
des sauts électroniques en spectroscopie
moléculaire.
On peut lier le nombre
d'ondes correspondant à certaines têtes de
bandes par la formule empirique :
(5.1)
|
= d + bk ck2
k = nombre
entier
|
|
Pour une seule molécule, on peut
trouver plusieurs groupes de bandes qui peuvent être
classées de cette façon. Les constantes
b et c sont les mêmes que celles qui
sont utilisées pour l'analyse des spectres de
vibration (module 2 ).
La structure de chaque bande peut
également être analysée et les nombres
d'ondes des raies reliés par une formule
empirique :
(5.2)
|
= f + am + gm2
m = nombre
entier
|
|
Cette formule fait intervenir la constante
a des spectres de rotation (module 1).
Ces spectres se trouvent dans la
région 0,5 μm à 0,1 μm
et correspondent à des énergies de l'ordre de
240 à 1 200 kJ/mol, soit d'un ordre de grandeur
bien supérieur aux énergies mises en jeu par
la vibration ou la rotation. Comme c'est une énergie
du même ordre que celle des sauts électroniques
dans un atome, on admet que ces spectres sont l'indication
d'un saut électronique dans la molécule
coïncidant avec un changement dans les nombres
quantiques de vibration et de rotation.
États électroniques
d'une molécule
En première approximation, une
molécule peut être traitée à
l'aide de la théorie simple de Bohr,
c'est-à-dire que l'on peut admettre l'existence
d'orbitales sur lesquelles seraient placés les
électrons. À chaque orbitale
correspondrait une énergie électronique bien
définie. Les orbitales seraient discrètes,
c'est-à-dire correspondraient à des valeurs
discontinues de l'énergie.
On peut aller plus loin et
caractériser une orbitale par les nombres quantiques
habituels : moment cinétique orbital l et
moment cinétique de spin s. La somme
géométrique de ces moments cinétiques
caractérise l'état de la molécule. La
notation sera parallèle à celle de l'atome en
transposant les lettres capitales ordinaires en lettres
capitales grecques.
Valeur du moment cinétique orbital total
l
|
0
|
1
|
2
|
3
|
etc.
|
État de l'atome
|
S
|
P
|
D
|
F
|
etc.
|
État de la molécule
|
Σ
|
Π
|
Δ
|
etc.
|
|
Chaque état correspond à une
courbe de potentiel spécifique (figure 5.2) et
à une valeur bien déterminée de
l'énergie électronique,
notée Te (figure 5.3),
appelé terme électronique et
exprimé en nombre d'ondes (unités :
cm1). On complète l'indication de
l'état en notant le spin total en haut et à
gauche, comme pour l'électron, par la valeur
2s + 1 (multiplicité). On aura ainsi
des états 1Σ, 1Π pour
un spin total nul, 2Σ, 2Π
pour spin total 1/2, etc.
Figure 5.2. Courbes de potentiel de quelques états
électroniques de la molécule
d'oxygène.
Normalement, il n'y a aucune raison pour que
le nombre des états ne soit pas aussi grand que dans
le cas de l'atome. En fait, on n'a observé pour
chaque molécule étudiée (leur nombre en
est encore très réduit) qu'un nombre restreint
d'états électroniques : une quarantaine
dans le cas de N2, O2 et NO; une
vingtaine pour HCl et pour la plupart des autres
molécules diatomiques. Ceci est lié au fait
que nos connaissances dans ce domaine sont encore
embryonnaires et proviennent de deux sources difficiles
à exploiter :
L'observation expérimentale des
niveaux. Par suite de règles de sélection
assez strictes, seules un petit nombre de transitions sont
possibles; le nombre des spectres observables est donc assez
limité. De gros efforts sont faits actuellement pour
créer des conditions expérimentales
spéciales qui rendent possibles les transitions
interdites.
La théorie. La théorie
ne peut mener à des conclusions valables que pour des
molécules très simples.
Diagramme des niveaux d'énergie
et spectre observé
Chacun des états électroniques
ne correspond plus, comme dans le cas de l'atome, à
des orbites plus ou moins éloignées du noyau.
On peut dire que la configuration électronique est
différente dans chaque cas, sans pouvoir en donner un
schéma figuratif simple. Ce diagramme
simplifié serait valable si la molécule
n'était pas capable d'exécuter
simultanément d'autres mouvements,
c'est-à-dire si elle restait sans tourner à la
distance internucléaire d'équilibre.
En fait, quel que soit l'état
électronique considéré, la
molécule vibre et tourne. Le modèle de
l'oscillateur tournant (ou rotateur vibrant, voir (module 3)
est valable pour chaque état électronique.
À chaque état électronique correspond
une courbe de potentiel avec les niveaux possibles
d'énergie de vibration. Chaque courbe de potentiel
est différente, avec sa propre valeur de la distance
internucléaire, de l'énergie de dissociation,
de la constante de force et de l'anharmonicité. De
plus, sur chaque niveau de vibration viennent se superposer
les niveaux possibles de rotation; la valeur de la constante
de rotation est également différente dans
chaque état électronique. C'est un peu comme
si chaque état électronique correspondait
à une nouvelle molécule.
Le diagramme des niveaux d'énergie
d'une molécule devrait donc se composer, pour chaque
état électronique, d'un certain nombre de
lignes horizontales, associées aux niveaux
d'énergie de vibration et entre lesquelles on ferait
figurer par des flèches les transitions possibles,
soit en absorption, soit en émission. La
figure 5.3 illustre ces niveaux pour l'état
fondamental et un état excité de la
molécule I2, tandis que l'animation
associée à la même figure permet
d'explorer, pour I2 et O2, le lien
entre les mouvements de la molécule et divers
états et niveaux de celle-ci.
[ animation
]
Figure 5.3. Courbes de potentiel et niveaux de vibration de
deux états électroniques de l'iode.
Les chiffres à droite des courbes indiquent les
nombres quantiques de vibration;
seuls les niveaux de nombre quantique divisible par 5 sont
représentés.
Inspiré de http://itl.chem.ufl.edu/4411L_f96/i2_lif/i2_lif_il.html
Pour une molécule quelconque, et en
ignorant l'énergie de translation, l'énergie
totale est telle que :
E =
Etot = Eélec + Erot +
Evib
Ceci s'écrit, à l'aide des
termes spectraux (unités :
cm1), de la façon
suivante :
E (cm1) =
Te + F(J) + G(υ)
avec
Eélec = hcTe.
Il s'ensuit que l'énergie d'une molécule dans
l'état électronique fondamental
(Eélec = Te = 0)
est donnée, en unités de nombres d'ondes,
par :
(5.3)
|
E (cm1) = Bυ J (J+1) + ωe (υ + 1/2) ωexe (υ + 1/2)2
|
|
et que celle d'une molécule dans un
état électronique excité
(Eélec = hcTe)
est :
(5.4)
|
E' (cm1) = B′υ J′ (J′+1) + ωe' (υ' + 1/2) ωe' xe' (υ' + 1/2)2 + Te
|
|
Les spectres observés dans le visible
et l'ultraviolet résultent de transitions entre ces
niveaux d'énergie de vibration et de rotation
correspondant à deux états
électroniques différents.
Spectre électronique - analyse
rotationnelle
Les transitions avec changement de niveau de
rotation donnent une série de raies très
rapprochées, prenant la forme d'une bande sous faible
ou moyenne résolution.
La structure de ces bandes s'analyse de la
même façon que pour le spectre de rotation pure
(module 1). La suite
de raies de rotation (υ = υ')
peut se mettre sous la forme d'un polynôme du
2e degré (en ignorant la distorsion
due à la force centrifuge).
(5.5)
|
= b + am +
cm2
|
|
où a = B + B′, c = B B′
et b une constante qui
dépend du niveau de vibration et de l'état
électronique excité en cause.
Comparativement au spectre de
rotation-vibration normal (sans saut électronique),
le problème se complique du seul fait que les valeurs
de B et de B′ sont en général
très différentes puisque les distances
internucléaires sont généralement
très affectées (beaucoup plus que dans les
changements de niveaux de vibration). Il découle de
cette observation que la portion de parabole observée
(la parabole de Fortrat) se situe au voisinage de son
sommet.
Dans le spectre de rotation-vibration, la
suite de raies apparaît sous une forme continue :
l'énergie E est une fonction croissante
de m, avec une légère courbure
vers le bas (voir, dans le module 3,
la figure 3.6); dans ces conditions, il est facile
d'indexer les raies.
Dans le cas présent, la valeur du
paramètre c beaucoup plus grande
entraîne une courbure prononcée, de sorte que
l'énergie E est croissante avec m dans
une portion de la parabole et décroissante avec des
valeurs croissantes de m pour une autre portion. Cela
a pour effet de faire se voisiner, dans le spectre, des
raies associées à des valeurs de m
différant de plusieurs unités. Afin d'indexer
les raies convenablement, on doit utiliser une
méthode appropriée, comme celle de la
deuxième différence (voir module 1).
Spectre électronique - analyse
vibrationnelle
Dans la section précédente on a
envisagé le cas où la transition
électronique ne mettait pas en jeu de transition
vibrationnelle : Δυ = 0.
On dit alors que la transition observée correspond
à la bande 0-0.
Dans ce cas, l'énergie
nécessaire est l'énergie requise pour passer
de l'état 1 (niveau υ = 0)
à l'état 2 (niveau υ' = 0),
notée 00
(figure 5.3,
détail dans la partie de droite). Cette
énergie est donnée par :
00 = Te + G' (0) G(0)
Comme la règle de sélection Δυ = 0, ±1, ±2, ±3, ...
est plutôt large et que les énergies
disponibles sont plutôt importantes, on observe non
pas seulement la bande 0-0, mais toute une
variété de bandes correspondant aux
transitions possibles entre les divers niveaux de
vibration.
Ainsi, l'énergie des bandes dont le
niveau d'origine est υ = 0,
notée 0υ' est
égale à l'énergie de la la bande 0-0,
plus l'énergie qu'il faut pour passer du niveau υ' = 0
de l'état 2 aux autres niveaux υ' de
l'état 2, ce qui donne :
0υ' = 00 + G' (υ') G' (0) = Te + G' (υ') G(0)
On retrouve dans ce cas particulier l'origine
de la formule 5.1,
qui décrit l'absorption à partir du niveau υ = 0
d'un état électronique vers les divers
niveaux de vibration d'un autre état
électronique, donnant une série de bandes
presque régulièrement espacées,
d'énergie :
0υ' = 00 + (ωe' ωe' xe') υ' ωe' xe' υ' 2
Ceci peut aussi s'écrire :
(5.6)
|
0υ' = 00 + ωe' υ' ωe' xe' (υ' 2 + υ' )
|
|
En fonction des mêmes
paramètres, l'énergie de la transition
électronique pure (υ = υ' = 0),
notée 00,
est donnée par l'expression suivante :
En spectroscopie d'absorption, l'état
fondamental de vibration, υ = 0,
est souvent le seul peuplé; il s'ensuit que les
bandes électroniques s'organisent dans une suite, une
progression, qui suit la valeur de υ'
(figure 5.4).
Figure 5.4. Analyse vibrationnelle en absorption.
Le tableau 5.1 systématise les
énergies des transitions en absorption de même
que les premières et secondes différences
entre les énergies de ces raies.
Tableau 5.1.
Transitions vibrationnelles en absorption
(énergie des bandes à partir de υ
= 0).
Transition
υ' ← υ
|
Énergie requise
pour la transition
|
Première
différencea
|
Seconde
différencea
|
0 ← 0
|
00
|
|
|
|
|
ωe' 2 ωe' xe'
|
|
1 ← 0
|
00
+ ωe' 2 ωe' xe'
|
|
2 ωe' xe'
|
|
|
ωe' 4 ωe' xe'
|
|
2 ← 0
|
00
+ 2 ωe' 6 ωe' xe'
|
|
2 ωe' xe'
|
|
|
ωe' 6 ωe' xe'
|
|
3 ← 0
|
00
+ 4 ωe' 12 ωe' xe'
|
|
2 ωe' xe'
|
|
|
ωe' 8 ωe' xe'
|
|
4 ← 0
|
00
+ 6 ωe' 20 ωe' xe'
|
|
2 ωe' xe'
|
|
|
ωe' 10 ωe' xe'
|
|
5 ← 0
|
00
+ 8 ωe' 30 ωe' xe'
|
|
|
a
Attention aux signes des différences.
|
Par contre, en émission, puisque de
nombreux états de vibration sont excités, le
nombre de bandes devient beaucoup plus grand, et les
séries sont plus nombreuses. En fait on doit
s'attendre à autant de séries qu'il y a de
niveaux de vibration à émettre. Le
tableau 5.2 donne un exemple de séries de bandes
observées.
Tableau 5.2.
Transitions vibrationnelles observées dans
N2
(bande A X du système
Végard-Kaplan).
|
Énergie de la tête des bandes
(cm1)
|
υ υ' :
|
0
|
1
|
2
|
3
|
4
|
0
|
49 754,8
|
47 424,8
|
45 123,6
|
42 851,1
|
40 607,3
|
1
|
51 187,6
|
48 857,7
|
46 556,4
|
44 283,9
|
42 040,1
|
2
|
52 595,8
|
50 262,9
|
47 961,7
|
45 689,1
|
43 445,4
|
3
|
53 970,3
|
51 640,4
|
49 339,2
|
47 066,6
|
44 822,8
|
4
|
55 320,0
|
52 990,0
|
50 688,8
|
48 416,3
|
46 172,5
|
5
|
56 641,7
|
54 311,8
|
52 010,5
|
49 738,0
|
47 494,2
|
6
|
57 935,2
|
55 605,3
|
53 304,1
|
51 031,5
|
48 787,8
|
Tiré
de
http://web.ipac.caltech.edu/staff/laher/fluordir/N2_A-X.out
|
En ne retenant que les bandes qui partent du
même niveau de vibration υ' et ayant
n'importe quelle valeur υ pour niveau final
(figure 5.5), l'énergie des transitions peut se
mettre sous la forme :
υ'υ = 00 + G' (υ') G' (0) G(υ) + G(0)
(5.7)
|
υ'υ = 00 + ωe' υ' ωe υ ωe' xe' (υ' 2 + υ') + ωexe (υ2 + υ)
|
|
ce qui peut s'écrire plus
simplement :
(5.8)
|
υ'υ = a ωe υ + ωexe (υ2 + υ)
|
|
où a, qui regroupe tous les
termes en υ', est une constante, la seule
variable étant υ (υ'
est fixe).
Figure 5.5. Analyse vibrationnelle en émission.
Le tableau 5.3 systématise les
énergies des transitions en émission de
même que les premières et secondes
différences entre les énergies de ces
raies.
Tableau 5.3.
Transitions vibrationnelles en émission.
Transition
υ' → υ
|
Énergie requise
pour la transition
|
Première
différencea
|
Seconde
différencea
|
υ' → 0
|
a
|
|
|
|
|
ωe 2 ωexe
|
|
υ' → 1
|
a ωe + 2 ωexe
|
|
2 ωexe
|
|
|
ωe 4 ωexe
|
|
υ' → 2
|
a 2 ωe +
6ω xe
|
|
2 ωexe
|
|
|
ωe 6 ωexe
|
|
υ' → 3
|
a 4 ωe +
12ω xe
|
|
2 ωexe
|
|
|
ωe 8 ωexe
|
|
υ' → 4
|
a 6 ωe +
20ω xe
|
|
2 ωexe
|
|
|
ωe 10 ωexe
|
|
υ' → 5
|
a 8 ωe +
30ω xe
|
|
|
a
Attention aux signes des différences.
|
Remarque
La valeur de a du tableau
précédent est telle que :
a = 00 + ωe' υ' ωe' xe' (υ' 2 + υ')
Il s'ensuit que a dépend de
υ' et il y a donc autant de séries de
bandes qu'il y a de niveaux υ' d'où
proviennent les transitions.
Détermination des constantes
moléculaires
Puisque les constantes moléculaires
peuvent être déterminées à partir
des spectres de vibration-rotation, on peut se demander ce
que nous apporte de plus la spectroscopie
électronique des molécules. Voici quelques
éléments de réponse.
- On peut observer les niveaux de vibration
jusqu'à une valeur élevée de υ
(υ = 50 et plus dans certains
cas), donc obtenir une valeur précise de ωe,
ωexe et
De.
- On peut observer les niveaux de rotation
jusqu'à une valeur élevée de
J (J = 65 dans certains cas),
donc obtenir les moments d'inertie et la distance
internucléaire moyenne avec une grande
précision.
- Une série de bandes telle qu'apparaissant dans
le tableau 5.3, c'est-à-dire en
émission, permet de mesurer 2 ωexe
et ωe, deux données qui
sont aussi connues à partir des spectres de
vibration-rotation. Ce qu'on obtient de nouveau ici est
la vérification expérimentale que
l'émission étudiée se termine bien
sur l'état électronique fondamental. Par
contre, en absorption (voir tableau 5.2) on obtient
les valeurs ωe' xe'
et ωe' . On a donc
accès aux valeurs des constantes relatives aux
états électroniques excités.
- Compte tenu de ces résultats
expérimentaux on peut, à l'aide d'une
théorie appropriée, examiner l'influence de
la structure électronique sur les constantes
moléculaires. On peut donc voir quelle est la
meilleure théorie qui rendra compte des divers
états électroniques observés.
En fait, cette théorie a été faite
dans certains cas particuliers et a permis de
prévoir de nouveaux états
électroniques qui n'ont été
observés qu'a posteriori.
- Un des succès de la théorie a
été de relier l'énergie de
dissociation de la molécule et l'énergie
des fragments obtenus. On constate que l'énergie
de dissociation est exactement égale à la
somme des énergies des fragments. Ces derniers
peuvent être soit des atomes dans l'état
fondamental, soit des atomes (ou un atome sur les deux)
dans des états excités (voir plus loin le
cas de O2).
Ce dernier point indique qu'il y a formation d'une
molécule stable s'il y a diminution de
l'énergie totale des composants.
En approchant les deux atomes à partir de
l'infini, on peut voir l'énergie potentielle
diminuer progressivement en suivant la courbe de
potentiel. Si on veut former la molécule dans un
état excité stable, on rapprochera deux
atomes dont l'un (ou les deux) sera excité.
Courbes de potentiel correspondant
à des états instables
La formation d'une molécule à
partir de deux atomes, dans un état quelconque, ne
conduit pas toujours à une courbe de potentiel
à minimum. Dans ce cas, la molécule
formée est instable et les atomes se séparent
au bout d'un temps plus ou moins long, mais non
négligeable (voir le cas de l'hydrogène,
figure 5.6A). Notons que si létat
fondamental est stable comme dans le cas de
lhydrogène moléculaire, il peut en
être autrement dans dautres cas. Ainsi
l'état fondamental des molécules de gaz rare,
tel Xe2 ou He2, est instable. La
molécule existe cependant de manière stable
dans certains états électroniques
excités (figure 5.6B).
Figure 5.6. Courbes de potentiel de deux états
électroniques de la molécule
dhydrogène (A),
dune molécule de gaz rare comme Ne2
(B).
Le principe de Franck-Condon
Le passage d'une molécule d'un
état électronique à un autre est
très rapide. Considérons le passage d'un
photon à travers le nuage électronique d'une
molécule. Ce nuage voit passer une perturbation
à laquelle est associée un vecteur champ
électrique orienté perpendiculairement
à la direction de propagation. En supposant que le
nuage a un diamètre de 0,3 nm, la perturbation
électromagnétique le traverse en :
d = υt ⇒ t
= 0,3 109 m /
3 108 m/s =
1018 seconde.
On admet que la transition, le saut
électronique, s'opère dans un temps
très court de l'ordre de
1015 1017
seconde.
Considérons maintenant une vibration
moléculaire. Ce mouvement intramoléculaire du
réseau nucléaire est beaucoup plus lent. En
réalité, les vibrations les plus rapides
s'effectuent en quelque 1013 s. Il
s'ensuit que la géométrie de la
molécule demeure inchangée pendant un saut
électronique. Cette remarque est également
valable en ce qui regarde les mouvements de rotation. On
peut donc conclure que la géométrie de la
molécule est inchangée pendant un saut
électronique.
Du point de vue de la mécanique
quantique, cela se traduit par le fait que pour qu'un saut
électronique se produise, les fonctions d'onde
associées aux deux états doivent se
chevaucher. On interprète cette condition en termes
classiques en disant que la distance internucléaire
ne doit pas changer lors du saut électronique. C'est
le principe de Franck-Condon.
Sur un graphique où l'on
représente les courbes de potentiel et les niveaux de
vibration-rotation des deux états, une transition
entre deux niveaux sera impossible si on ne peut relier
ceux-ci par une ligne verticale (figure 5.7A). De
même, la présence d'une gamme plus large de
longueurs de liaison communes aux deux états sera
associée à une plus grande probabilité
de transition. Ainsi les configurations B et C de cette
dernière figure sont beaucoup plus favorables
à la transition que la configuration A.
Figure 5.7. Positions relatives des états
électroniques.
L'animation de la figure 5.8 permet de
visualiser, pour l'état fondamental et deux
états excités des molécules de CO et
H2, cette gamme de longueurs de liaison communes
pour divers niveaux de vibration. La largeur des rectangles
translucides correspond à la gamme des longueurs de
liaison pour chacun des deux niveaux; la largeur de leur
intersection fournit une idée approximative de la
probabilité de la transition.
[ animation
]
Figure 5.8. Principe de Franck-Condon : chevauchement
des niveaux de vibration
entre l'état fondamental et un état excité.
Ajoutons que le temps de séjour de la
molécule avec une distance internucléaire
comprise entre r' et r' + dr'
n'a pas la même valeur entre chaque point de la
trajectoire situé entre rmin et
rmax.
Le modèle mécanique de
l'oscillateur prévoit que la molécule passe la
majorité de son temps au voisinage des extremums,
là où la vitesse
dx / dt est minimum,
c'est-à-dire aux abscisses rmin et
rmax. Au contraire, sa durée de
séjour au voisinage de re est
minimum puisque la valeur dx / dt
est maximum (figure 5.9A).
Figure 5.9. Probabilité de présence (Ψ2)
dans le niveau fondamental
selon la mécanique classique (A)
et la mécanique quantique (B).
La mécanique quantique prévoit
exactement le contraire. La solution de l'équation
de Schrödinger pour l'oscillateur (harmonique ou
anharmonique) conduit à une fonction d'onde dont le
carré (la probabilité de présence d'une
distance internucléaire donnée) est maximal
pour r = re et minimal
aux extremums, à tout le moins pour le niveau de
vibration υ = 0 (figure 5.9B).
Cette description correspond beaucoup mieux à la
réalité physique que celle fournie par la
mécanique classique.
La situation est un peu plus complexe sur les
niveaux supérieurs de vibration. Pour un niveau υ > 0,
le carré de la fonction d'onde admet υ + 1
maxima et l'on peut montrer que les extremums les plus
importants sont situés près des
extrémités du segment vibrationnel
(figure 5.10). Pour les nombres quantiques
élevés, la distribution de probabilité
de présence se rapproche donc à certains
égards de la valeur classique.
Figure 5.10. Modèle quantique : carré de
la fonction d'onde
(probabilité de présence) pour les premiers
niveaux de vibration.
Quoi qu'il en soit, compte tenu du fait que
la probabilité de trouver la distance
internucléaire à l'intérieur d'un
élément dr' varie
considérablement avec l'abscisse r', la
probabilité de transition, donc l'intensité de
la transition (de la bande) observée, sera
très affectée par la distribution de
probabilité de la distance internuclaire entre
rmin et rmax.
La fluorescence
Considérons l'absorption
d'énergie entre l'état fondamental et un
état électronique excité. Supposons
aussi que ces deux états électroniques se
déduisent l'un de l'autre par translation selon un
axe parallèle à l'axe énergie. Les deux
courbes de potentiel admettent donc la même valeur de
r à l'équilibre,
re = re'
(figure 5.11).
Figure 5.11. Modèle quantique : états
électroniques superposés.
En absorption et aux températures
usuelles, toutes les molécules se trouvent dans
l'état électronique fondamental et dans le
niveau υ = 0. La transition se fera
principalement à partir de l'abscisse
re puisque c'est dans cette configuration
que la molécule a le plus de chance de se trouver. Le
principe de Franck-Condon établit que la transition
électronique est beaucoup plus rapide qu'un mouvement
de vibration, de telle sorte que la distance
internucléaire r demeure inchangée au
cours de la transition. La molécule décrit
donc sur le graphe (figure 5.11) un chemin
«vertical» sans variation de valeur de
r.
La probabilité de passage entre υ = 0
et un niveau υ', entre l'abscisse
r et r + dr, dépend du
produit des probabilités de trouver la distance
internucléaire possédant cette valeur sur
chacun des deux états électroniques. La
probabilité de la transition est égale
à ce produit, intégré entre les valeurs
rmin et rmax. On
réalise alors que la transition υ' → υ
(0 → 0) est très probable (raie
intense). Les transitions (υ' → 0)
ne sont pas interdites; elles sont moins probables et les
intensités des bandes correspondantes
décroissent avec l'accroissement de υ'.
Les niveaux υ' sont
peuplés par absorption d'énergie
(flèches vers le haut dans la partie gauche de la
figure 5.12). Les molécules ainsi
excitées redescendent très rapidement par
conversion interne vers le niveau fondamental de cet
état électronique excité, soit vers le
niveau υ' = 0.
Certaines molécules, pour revenir
à l'état électronique fondamental,
n'ont alors d'autre choix que de fluorescer : elles
réémettent un photon en revenant vers
l'état fondamental. L'émission a lieu au cours
du passage entre le niveau υ' = 0
et l'un des niveaux υ. Par le
même raisonnement, on montre que la transition υ' → υ
(0 → 0) est la plus probable (la plus
intense) (flèche rouge vers le bas dans la
figure 5.12). Il est d'ailleurs intéressant de
comparer le spectre d'absorption et le spectre
d'émission. Le spectre de la fluorescence
apparaît comme l'image miroir du spectre d'absorption
(figure 5.13). Le décalage entre le maximum de
chaque courbe, qui correspond à la transition
vibrationnelle 00 ,
s'explique en partie par la différence dans la
distribution d'intensité des raies de rotation.
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Figure 5.12. Absorption-émission :
états électroniques
superposés.
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Figure 5.13. Spectres typiques d'une solution
d'anthracène dans du benzène.
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Dans le cas de la molécule
doxygène, la transition entre le premier
état électronique excité 1Δg
et létat fondamental 3Σg
est interdite puisquelle exige un changement de
parité électronique, la molécule
passant dun état singulet (tous les
électrons sont associés par spin
antiparallèle) vers un état triplet (deux
électrons non appariés ont leur spin
parallèle).
En haute atmosphère, au-dessus de
50 km daltitude, lozone est
décomposé par le rayonnement ultraviolet
très lointain (λ < 307,5 nm).
Il se forme des molécules doxygène
sup>1Δg. Ces molécules nont
pas la possibilité de perdre leur énergie
électronique par transfert vers une autre
molécule. Les pressions et les concentrations de
molécules y sont très basses. De plus, lorsque
les collisions existent, lefficacité du
transfert dénergie y est très faible. Il
sensuit que la seule possibilité de retour vers
létat fondamental réside dans la
phosphorescence.
Le temps de vie de la molécule
électroniquement excitée est de lordre
de 1 heure. Cette transition est facilement observable
pourvu que lobservateur se trouve dans cette
région de lespace où la lumière
émise nest pas absorbée par
dautres molécules. On observe une
émission dans la région de linfrarouge
vers 1270 nm. Le maximum de cette émission
correspond à la transition entre les niveaux de
vibration υ = 0 de chacun des deux
états électroniques, car la distance
internucléaire moyenne pour chacun des deux niveaux
est semblable : re (3Σg) = 1,2075 nm
et re (1Δg) = 1,2156 nm
(voir figure 5.2).
Ce cas de figure correspond à la situation
décrite à la figure 5.11.
Supposons au contraire que les courbes de
potentiel ne se déduisent plus l'une de l'autre selon
une translation verticale, mais plutôt oblique, de
telle sorte que
re' = re ou
mieux
re' > re
(figure 5.14). La figure montre que la transition υ' → υ
(4 → 0) est la plus probable. Une fois
peuplé, ce niveau υ' = 4 se
dépeuple au profit des niveaux υ'
inférieurs et finalement au profit du seul niveau υ' = 0.
En émission, c'est au tour de la transition υ' → υ
(0 → 2) d'être favorisée. Ceci
bien sûr n'exclut pas complètement les
transitions 0 → 3, 0 → 4,
...
Figure 5.14. Modèle quantique : états
électroniques décalés.
De nouveau le cas de loxygène
est intéressant. On a pu observer labsorption
entre létat fondamental et létat
électronique excité triplet 3Σu
(bande Schumann-Runge) de même que la fluorescence
entre ces deux états. Cette fois les distances
interatomiques sont très différentes :
r (3Σg) = 1,2075 nm
et r (3Σu) = 1,6042 nm
(voir figure 5.2).
Ce cas despèce correspond à la
figure 5.14.
Effet isotopique
Les états électroniques ne sont
pas affectés par la substitution isotopique puisque
les énergies des couches électroniques ne
dépendent pas de la masse du noyau mais seulement de
sa charge.
Conclusions
Les transitions électroniques exigent
une quantité dénergie de beaucoup
supérieure à celle qui est requise pour
exciter les mouvements internes dune molécule.
Ces transitions sont également soumises à
leurs propres lois. Lors d'une transition
électronique, les transitions de rotation et de
vibration sont donc simultanément excitées.
Les règles de sélection et les lois
s'appliquant à celles-ci sont conservées. Avec
un appareil de haute dispersion, on saura donc voir les
transitions de vibration-rotation au sein dun spectre
dabsorption électronique. Ces
possibilités existent tant en absorption quen
émission (fluorescence).
Pour en savoir plus
Liens utiles
Le spectre de fluorescence de l'iode :
http://itl.chem.ufl.edu/4411L_f96/i2_lif/i2_lif_il.html [archive].
Ce site du professeur P. J. Brucat
présente plusieurs aspects reliés au
traitement de la molécule d'iode. On y trouve des
éléments reliés à la courbe de
potentiel, au traitement de l'équation de
Schrödinger, à l'appareillage
expérimental, au traitement des données,
à l'application de la méthode de
Birge-Spooner, etc.
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