MODULE 1 Rotation des
molécules diatomiques
Préambule
La molécule diatomique, la plus
simple, peut tourner sur elle-même. Comment peut-on
observer ce mouvement moléculaire? Est-ce que
lapplication de la mécanique classique
renseigne sur les lois qui gouvernent ce mouvement?
Lintroduction de la mécanique quantique
est-elle nécessaire? Si oui, quelles en sont les
conséquences sur linterprétation des
observations?
Une molécule est un objet comme un
autre. Elle est donc susceptible de tourner sur
elle-même, comme une toupie. Voyons comment le
mouvement de rotation sexprime avec les
molécules les plus simples, soit les molécules
diatomiques.
Les molécules possèdent un
autre type de mouvement interne : la vibration. Ce mouvement
est étudié dans le module 2.
NOTE. Cette image indique qu'une page de l'animation VR Molécules (la page 1 en l'occurrence) est disponible pour compléter les explications du texte. Pour la visionner, il faut utiliser le menu de l'application (à télécharger, si vous ne l'avez pas déjà fait) et choisir le module puis, dans l'animation, la page.
|
Faits expérimentaux
Lorsqu'on fait de l'absorption dans
l'infrarouge lointain, au-delà de 30 μm,
on observe, pour une molécule donnée, une
série de raies d'absorption à peu près
équidistantes. Des spectres d'absorption analogues
sont également observés dans la région
des hyperfréquences (longueur d'onde dans la
région de 0,2 à 2 mm). La position du
spectre d'absorption dans l'échelle des longueurs
d'onde dépend de la molécule
étudiée. En général, plus la
molécule est lourde, plus le spectre se trouve dans
une région de grande longueur d'onde
(figure 1.1.).
Figure 1.1. Spectre électromagnétique.
Nous étudierons maintenant la rotation
dune manière quantitative, en prenant comme
exemple la molécule de chlorure d'hydrogène,
HCl.
La première colonne du
tableau 1.1 présente, à titre d'exemple,
les fréquences d'absorption (exprimées en
nombre
d'ondes) observées pour la molécule HCl
(gazeux). Le spectre de cette molécule se trouve dans
le domaine infrarouge lointain accessible aux
spectromètres infrarouges optiques.
Tableau 1.1.
Fréquences d'absorption dans
l'infrarouge lointain de HCl gazeux.
(cm–1)
expérimental
|
Δ
|
Nombre entier
|
( cm–1)
calculé
|
83,03
|
|
4
|
82,72
|
|
21,07
|
|
|
104,10
|
|
5
|
103,40
|
|
20,20
|
|
|
124,30
|
|
6
|
124,08
|
|
20,73
|
|
|
145,03
|
|
7
|
144,76
|
|
20,48
|
|
|
165,51
|
|
8
|
165,44
|
|
20,35
|
|
|
184,86
|
|
9
|
186,12
|
|
20,52
|
|
|
206,38
|
|
10
|
206,80
|
|
20,22
|
|
|
226,50
|
|
11
|
227,48
|
Δ
représente la différence des nombres d'ondes
de deux raies successives : elle se trouve à
être à peu près constante. Nous
considérerons les raies équidistantes en
première approximation. Dans ces conditions,
l'énergie exprimée en nombre d'ondes est assez
bien représentée par la formule :
= am soit Δ
= 20,68 m pour HCl
m est un nombre entier.
Nous montrerons plus
loin que ce spectre peut être
interprété comme une transformation de
l'énergie électromagnétique
absorbée en énergie de rotation. Notons que
l'absorption n'est pas continue; cela signifie que certains
états énergétiques seulement sont
possibles dans la rotation et que la molécule passe
brusquement (par quanta) d'un état à l'autre.
L'émission d'énergie par le même
processus ne peut s'observer que si un très grand
nombre de molécules émettrices sont
présentes. Cest le cas en radio-astronomie,
où certains corps célestes émettent ce
type de rayonnement (détecté par les
radio-télescopes) à partir des
molécules diatomiques qui y sont présentes,
révélant du même coup au moins une
partie de leur composition.
Modèle mécanique - le
rotateur rigide symétrique
Examinons un modèle mécanique
simple dune molécule diatomique, soit le
rotateur rigide. Soulignons que toute représentation
dun objet quantique comme une molécule à
laide de modèles classiques tels que celui
illustré à la figure 1.2, appelle
à la prudence. En effet, de tels modèles
fournissent de ces objets une représentation utile
(on dirait pédagogique) de leurs mouvements, mais
cette représentation est toujours partielle, voire
même inexacte.
Figure 1.2. Modèle mécanique du rotateur
rigide.
En mécanique classique, un
système isolé, c'est-à-dire non soumis
à des forces externes, ne peut tourner qu'autour d'un
point appelé centre de masse. La position de
ce point est telle que la somme vectorielle des moments (le
produit du vecteur position par la masse) de chacune des
composantes du système, par rapport à ce
point, est nulle.
Selon notre modèle, chacun des deux
atomes de masse m1 et m2
est supposé réduit à un point
matériel, ce qui est sûrement une bonne
approximation quand on considère (Voir Chimie
théorique, chapitre 2,
section 3) que la quasi-totalité de la masse
dun atome est concentrée dans son noyau qui est
beaucoup plus petit que son nuage électronique
illustré à la figure 1.2. On
néglige l'effet de la gravité, de même
que la masse des électrons. On imagine
également que les deux atomes sont liés de
façon rigide, comme par une barre de masse
négligeable.
Avec ces hypothèses simplificatrices,
la position du centre de masse d'une molécule
diatomique est décrite par l'égalité
suivante :
où r1 et
r2 sont les distances respectives des
atomes 1 et 2 au centre de masse.
Mais on a, d'après la figure
1.2 :
r1 = r –
r2
et r2 =
r – r1
ce qui permet de récrire l'expression
1.1a des deux manières suivantes :
m1r1
= m2(r –
r1)
et m2r2
= m1(r –
r2)
Transformons maintenant ces deux expressions
de la façon suivante :
m1r1
+ m2r1 =
m2r
et
m2r2 +
m1r2 =
m1r
On en tire:
(1.1b)
|
|
|
En vertu des mêmes hypothèses,
le seul moment
d'inertie non nul est le moment par rapport à un
axe perpendiculaire à l'axe internucléaire. La
seule rotation que l'on doit considérer est donc
celle qui s'effectue autour de cet axe et le moment
d'inertie I de la molécule est donné
par :
I = m1
r12 + m2
r22
En substituant dans cette équation les
expressions de r1 et r2
données en 1.1b, on obtient :
(1.1c)
|
|
|
μ est appelé la masse
réduite de la molécule.
Les expressions 1.1c signifient que, du point
de vue de la mécanique, la molécule diatomique
peut être étudiée comme un atome unique
de masse μ tournant autour d'un point situé
à la distance fixe r égale à la
distance internucléaire. C'est ce qu'illustre
l'animation de la figure 1.3. que vous pouvez observer dans
la fenêtre d'animation en cliquant dans la figure.
[ Une animation est disponible ]
Figure 1.3. Équivalent mécanique (à
droite) du rotateur diatomique rigide (à gauche);
μ est la masse réduite et P le
vecteur moment cinétique.
On peut envisager deux cas limites.
- Les deux atomes ont une masse
identique, m1 = m2
(cas des molécules homonucléaires); dans ce
cas :
μ =
m12 / 2
m1 =
m1/2
- Les deux atomes ont des masses
très différentes,
m1 << m2
(cas de hydrures métalliques); ici la masse
réduite tend vers la masse de l'atome le plus
léger et :
μ ≅ m1m2
/ m2 =
m1
On voit donc que dans tous les cas la masse
réduite μ est telle que
m1/2 < μ < m1;
elle est comprise entre la moitié et la valeur
entière de la masse de l'atome le plus
léger.
On peut aussi examiner l'influence relative
de chacune des deux masses sur la position du centre de
masse.
- Si la molécule est
homonucléaire,
m1 = m2
et
r1 = r2.
La molécule tourne autour de son centre de
symétrie : le centre de masse est
situé au milieu de la liaison moléculaire.
- Si, au contraire, l'un des
atomes a une masse beaucoup plus petite que l'autre,
disons
m1 « m2,
alors
r1 »r2
et tout se passe comme si la molécule tournait
autour du centre de l'atome de plus grande masse.
Note. Pour que l'animation s'affiche à la page
indiquée ci-dessus, vous devez cliquer sur l'onglet
portant ce numéro au bas de l'écran de VR Molécules.
Voyons comment exprimer
mathématiquement la relation entre la vitesse de
rotation, lénergie et la masse réduite
dun rotateur rigide.
L'énergie du système est
essentiellement son énergie cinétique de
rotation :
υ est la vitesse tangentielle.
Mais comme m doit être identifié
à μ, et sachant que ω, la
vitesse angulaire, est égale à υ/r,
on peut écrire :
ou encore, comme le moment cinétique
peut s'écrire :
P
= I ω
L'énergie
s'exprime finalement comme :
(1.2)
|
|
|
|
En théorie classique, l'énergie
du système peut prendre une valeur quelconque
dépendant du moment cinétique,
c'est-à-dire de la vitesse de rotation.
Traitement quantique du modèle
mécanique
Le modèle mécanique classique
ne permet pas d'aller plus loin et, en particulier, ne
permet pas de déterminer les états
énergétiques possibles. La méthode
quantique appliquée au mouvement de l'électron
autour du proton (Voir Introduction à la physique
atomique et nucléaire, chapitre 6,
section 4) est également applicable au
mouvement des noyaux. On peut déterminer, à
l'aide de la mécanique quantique, une fonction d'onde
ψsolution de l'équation
générale de Schrödinger. Le carré
de cette fonction d'onde représentera la
probabilité de présence des noyaux en chaque
point de l'espace. Dans le cas du rotateur rigide
symétrique, l'énergie potentielle
V = 0 et l'équation
d'onde de Schrödinger devient :
ψest la fonction d'onde, E
l'énergie du rotateur, μ la masse
réduite et h la constante
de Planck.
La solution de cette équation est
possible de façon rigoureuse. Bien qu'elle ne soit
pas nécessairement très compliquée,
elle est cependant hors des limites de ce module. Si l'on
veut que ψ réponde aux conditions
physiques que l'on s'est imposées,
c'est-à-dire ait le caractère d'une onde,
l'énergie E peut seulement prendre les valeurs
suivantes (Voir Introduction à la physique
atomique et nucléaire, chapitre 2, section 2.3)
:
(1.3)
|
|
|
J est un nombre quantique de rotation
qui peut prendre les valeurs :
J = 0, 1, 2, ...
Ouvrons une parenthèse pour essayer de
mieux faire comprendre comment l'équation de
Schrödinger fournit ce résultat.
L'intégration de l'équation est très
facile si on l'applique au rotateur rigide à axe fixe
(figure 1.3).
Ce problème pourrait être
matérialisé par une molécule astreinte
à tourner autour d'un axe en restant dans un plan,
par exemple le plan xy. Dans ce cas, le laplacien
Δψ de la fonction d'onde se réduit à
:
Étant donné la symétrie
du problème, il est préférable de le
traiter en coordonnées polaires. Après un
changement de coordonnées, l'expression
précédente s'écrit :
ρ est l'angle que fait la
molécule avec une direction origine fixe (c'est la
seule variable du problème); r est la distance
fixe de la masse μ à l'axe de rotation.
L'équation devient donc :
Cette équation aux
dérivées partielles du second ordre à
coefficients constants a pour solution
générale (voir Introduction à la
physique atomique et nucléaire, chapitre 6,
section 4) :
ψ =
c1 cos Jρ +
c2 sin Jρ
(1.4)
|
|
|
Cependant, cette fonction d'onde ψ
n'est satisfaisante que si les conditions aux limites sont
satisfaites. En particulier, la fonction ψdoit
être continue c'est-à-dire qu'elle doit prendre
les mêmes valeurs pour ρ, ρ + 2 π,
ρ + 4 π, etc.
correspondant au même point de l'espace. Cette
condition impose que le nombre J soit entier.
L'équation 1.4 donne donc la condition
correspondante à satisfaire pour l'énergie. On
a donc des valeurs discrètes de l'énergie,
données par :
E = (h2
/ 8π2I )
J 2
C'est une condition presque analogue que l'on
retrouve dans le cas du rotateur rigide symétrique
(équation
1.3). Le rotateur à axe fixe orienté selon
l'axe z peut être considéré comme
un modèle approché de notre
molécule.
Cependant, un modèle plus exact,
fondé sur la solution complète de
l'équation de Schrödinger, montre que l'axe de
rotation de la molécule ne peut être
parallèle à aucun des axes. C'est là
l'origine du facteur J (J + 1)
(au lieu de J 2) dans l'expression de
E (équation
1.3).
Cette propriété se manifeste,
entre autres, en présence d'un champ
électrique. Si on suppose ce dernier orienté
selon l'axe z, on peut représenter le
mouvement de la molécule comme la combinaison de deux
mouvements : (1) la rotation de la molécule
autour de son axe; (2) la rotation, plus lente, de cet axe
autour de l'axe z, mouvement appelé
précession. C'est ce qu'illustre l'animation
de la figure 1.4., qui montre comment évolue le
vecteur moment cinétique P, parallèle
à l'axe de rotation de la molécule.
[ animation
]
Figure 1.4. Représentation de la rotation d'une
molécule diatomique en présence
d'un champ électrique selon z,
d'après la mécanique quantique.
Les niveaux d'énergie de la
molécule en rotation
En comparant l'équation
1.3 et l'équation
1.1c on peut écrire :
I = μr2
E = 1/2 I ω2 = 1/2
(I ω)2 /
I = 1/2 P 2 /
I
D'où :
P 2 = 2
E I = 2
(h2I /8 π2I ) J (J
+ 1)
Ce qui permet d'écrire:
(1.5)
|
|
|
Cette équation montre que le nombre
quantique J détermine la grandeur du moment
cinétique P. Comme dans le cas d'un
électron tournant autour du noyau, c'est le moment
cinétique qui est quantifié,
c'est-à-dire ne peut varier que par quanta
approximativement égaux à
h / 2π, car :
Puisque l'énergie se manifeste sous
forme électromagnétique,
caractérisons-la par sa fréquence ν
ou par son nombre d'ondes .
E = hν
= hc car
= ν / c
Posons = F(J);
on obtient :
E =
hc F(J)
D'après l'équation
1.3 nous trouvons :
(1.6)
|
|
|
La constante B est appelée
constante de rotation de la molécule;
F(J) est le terme spectral : c'est la
position du niveau d'énergie exprimée en
nombre d'ondes.
[ Une animation est disponible ]
Figure 1.5. Position des niveaux d'énergie de
rotation.
Le diagramme de niveaux d'énergie de
la molécule en rotation apparaît comme une
série de lignes horizontales représentant les
niveaux possibles (figure 1.5.). Ces niveaux
d'énergie possibles correspondent aux valeurs
J = 0, 1, 2, ... Ils
s'écartent de plus en plus les uns des autres puisque
l'énergie varie suivant une loi quadratique; la
séparation de deux niveaux consécutifs est
donnée par (voir la section Spectre
de rotation) :
(1.7)
|
F(J + 1)
F(J) = 2 B (J
+ 1 )
|
|
Cette différence croît avec
J.
Transitions possibles d'un niveau
d'énergie à l'autre
L'émission et l'absorption
d'énergie électromagnétique ne peut se
faire que si elle est accompagnée d'une variation de
moment
dipolaire électrique à l'intérieur
du système émetteur (Voir Introduction
à la physique atomique et nucléaire,
chapitre 6,
section 4). Une variation de moment dipolaire
électrique c'est, pour parler plus simplement, un
déplacement du centre de gravité des charges;
rappelons que si la distance du centre de gravité des
charges positives, +q, au centre de gravité
des charges négatives, –q, est d,
le moment dipolaire électrique est défini par
le produit qd.
Il découle immédiatement de ces
remarques que les molécules diatomiques
homonucléaires ne possèdent pas de spectre de
rotation par suite de l'absence de moment dipolaire. Cela ne
signifie pas que ces molécules ne peuvent entrer en
rotation ou qu'elles ne peuvent accumuler ou perdre de
l'énergie de rotation. Il existe d'autres
mécanismes (voir module 4)
capables d'enrichir (ou d'appauvrir) l'énergie de
rotation de ces molécules homonucléaires.
En ce qui concerne les molécules
hétéronucléaires, une transition ne
sera possible entre deux niveaux d'énergie que si le
moment dipolaire varie. On démontre que cette
condition impose à J de varier de ±1. On
aboutit donc à une règle de sélection
pour les transitions de rotation :
Dans le cas de l'absorption, un quantum
d'énergie porte la molécule à un niveau
plus élevé, donc les seules transitions
possibles sont :
ΔJ =
Jfinal – Jinitial
= +1
Ce serait ΔJ = –1
dans le cas de l'émission. Sur le diagramme de
niveaux d'énergie (figure 1.6) on a
représenté les transitions possibles par des
flèches, chacune d'elles donnant lieu à la
présence d'une raie dans le spectre d'absorption.
Figure 1.6. Transitions possibles entre les niveaux
d'énergie de rotation.
Spectre de rotation et calcul des
constantes moléculaires
Calculons l'énergie d'une raie
quelconque. Cette raie correspond à une transition
entre deux niveaux J et J + 1.
D'après l'équation
1.6, la différence d'énergie entre deux
niveaux successifs est :
= B
(J + 1) (J +
2) B J (J + 1)
(1.9)
|
= 2
B (J + 1)
|
|
Cette formule est la démonstration
théorique de la formule empirique :
= am
La raie suivante correspond à la
transition (J + 1) → (J + 2).
Sa fréquence est :
= 2
B (J + 2)
L'intervalle des fréquences entre deux
raies consécutives est constant :
(1.10)
|
J+1
– J = 2 B
|
|
On observe ainsi un spectre que l'on peut
schématiser comme cela est fait dans la
figure 1.7. Il faut noter que l'on ne traite pas ici
des intensités des raies d'absorption (hauteur des
pics).
Figure 1.7. Figure schématique du spectre de
rotation.
De la valeur expérimentale de cette
différence on peut tirer la valeur de B. Par
exemple, dans le cas de HCl, on trouve :
B = 20,68 / 2
= 10,34 cm–1
À partir de la valeur de B on
peut déduire la valeur du moment d'inertie de la
molécule, par la relation 1.6 :
On peut ensuite, connaissant les masses des
atomes, utiliser l'équation
1.1c pour déterminer la distance
internucléaire.
Signification physique des nombres
J et B
J détermine la valeur du moment
cinétique. La molécule tourne comme une toupie
autour de l'axe. Les valeurs croissantes de J
correspondent à des valeurs croissantes de la
fréquence de rotation, donc de la vitesse angulaire
de rotation. La grandeur B est liée
directement au moment d'inertie de la molécule. Voici
quelques ordres de grandeur pour des molécules
diatomiques communément rencontrées.
Tableau
1.2. Quelques caractéristiques physiques de
molécules biatomiques.
Molécule
|
B (cm–1)
|
Distance internucléaire
r (nm)
|
HCl
|
10,5934
|
0,127 455
|
DCl
|
5,4488
|
0,127 458
|
HBr
|
8,465
|
0,141 443
|
DBr
|
4,2456
|
1,414 500
|
OH
|
18,911
|
0,096 970
|
NO
|
1,671 95
|
0,115 080
|
CO
|
1,931 28
|
0,112 832
|
CS
|
0,820
|
0,153 494
|
HI
|
6,426
|
0,160 920
|
Les données pour
HCl sont plus exactes que les données
expérimentales rapportées plus haut,
plus anciennes et (ou) moins précises. On
remarque l'extraordinaire précision des
mesures des distances internucléaires de
même que l'effet négligeable de la
substitution isotopique sur cette grandeur.
|
Correction pour la force
centrifuge
On conçoit aisément, puisque la
liaison entre les atomes nest pas réellement
rigide, que la force centrifuge imposée aux atomes
est susceptible d'augmenter la longueur de cette liaison.
Or, si B croît, la molécule tourne de
plus en plus vite, donc la force centrifuge augmente, ce qui
fait augmenter la longueur de la liaison, r, et par
conséquent la valeur du moment d'inertie, car
I = μr2.
Puisque (équation
1.6) :
cette augmentation de I entraîne
la décroissance de B. En conséquence,
les niveaux dénergie de rotation seront un
petit peu plus rapprochés (figure 1.8.) que les
niveaux théoriques prévus par la
formule :
F (J)
= BJ (J +1)
Celle-ci peut être corrigée,
pour tenir compte de la force centrifuge, de la façon
suivante :
(1.11)
|
F (J) =
BJ (J + 1) –
DJ 2 (J + 1)
|
|
En supposant que
D = 0,5 × 10–4 B
(cas de HCl), pour une valeur de J = 20, la
correction est de 4 %. Cette correction atteint
9 % pour J = 30. Il faut donc observer
des niveaux de rotation relativement élevés ou
encore utiliser des appareils de mesure doués de
très haute résolution pour apprécier la
différence. Les exemples rapportés dans le
tableau 1.3 montrent la pertinence de cette
remarque.
Figure 1.8. Transitions en rotation : la correction
pour la force centrifuge
apparaît sur les lignes horizontales (en
pointillé).
Tableau 1.3. Quelques
constantes de distorsion
centrifuge de molécules diatomiques,
Molécule
|
D (cm–1)
|
D / B
|
HCl
|
5,319 10–4
|
0,502 10–4
|
DCl
|
3,457 10–4
|
0,4082 10–4
|
OH
|
19,38 10–4
|
1,025 10–4
|
NO
|
0,54 10–6
|
3,230 10–7
|
HI
|
2,069 10–4
|
0,322 10–4
|
CO
|
6,1215 10–6
|
3,170 10–6
|
La relation entre la vitesse de
rotation et la fréquence de la transition
La question que l'on peut se poser est celle
relative à la relation qui existe entre la vitesse de
la rotation, la vitesse angulaire et la fréquence de
la transition de rotation. Rappelons que, dans le
système international d'unités (SI), la
vitesse angulaire s'exprime en radians par seconde, rad/s.
Comme le radian est une unité sans dimension, ces
unités sont équivalentes à des
s-1, soit la même unité qu'une
fréquence d'absorption. La formule 1.2 relie
l'énergie d'un niveau de rotation et le moment
cinétique P. Cette dernière valeur est
reliée à celle de la vitesse angulaire, ω,
de telle sorte que:
E =
P 2 / 2I
et P = I ω
En se rappelant que E = hν,
on obtient :
E / h
= P 2 / 2 I h
= I 2ω2
/ 2
I h = ν
ou encore :
ω2 = 2 hν
/ I
Il n'existe donc pas de relation simple entre
la vitesse angulaire de la rotation et la fréquence
des raies d'absorption de rotation si ce n'est à
travers une formule faisant intervenir le moment d'inertie
de la molécule. On présente au module 2,
consacré à la vibration, une situation quelque
peu différente.
Conclusions
Lapplication de la mécanique
classique est insuffisante pour linterprétation
des observations spectroscopiques du mouvement de rotation
des molécules diatomiques. Par contre, elle permet de
mieux comprendre lapplication de la mécanique
quantique.
Les molécules diatomiques ne peuvent
tourner quavec des niveaux dénergie
quantifiés qui se traduisent par lintroduction
dun nombre quantique de rotation ainsi que par
lintervention de règles de sélection qui
précisent les transitions possibles entre ces
niveaux. Par ailleurs, linterprétation du
spectre observé dans linfrarouge lointain
permet de calculer avec une très grande
précision la longueur de la liaison de la
molécule.
Pour en savoir plus
L'uvre d'un Canadien, prix Nobel de
chimie, toujours la référence fondamentale en
spectroscopie moléculaire même après un
demi-siècle : Herzberg, G. Molecular spectra
and Molecular structure. I. Spectra of diatomic
molecules. Van Nostrand Reinhold Company, Toronto, 1950,
658 pages.
Liens utiles
Une base de données, appelée
WebBook, contenant, entre autres, les valeurs des constantes
moléculaires (incluant les constantes de rotation
B et D) des molécules diatomiques, est
disponible sur le site
du National Institute of Standards and Technology
(NIST). On peut y faire une recherche par
nom de molécule, ou encore à partir d'une
liste
de 400 molécules diatomiques, tirée des
travaux de Huber et Herzberg.
Une étude du mouvement de rotation de
la molécule CO : Karol, P. J., Introduction
to Modern Chemistry - Measuring Bond Lengths, Carnegie
Mellon University, http://www.andrew.cmu.edu/course/09-105/RotationalSpectra.html
Des explications théoriques et la
description d'une expérience de laboratoire portant
sur le spectre de HCl : Brucat, P. J. (1998).
Physical Chemistry Laboratory - The Rotation /
Vibration Spectrum of HCl, University of Florida
Chemistry Dept., http://chem.ufl.edu/~itl/4411L_f00/hcl/hcl0.html [archive].
|